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Rwanda : Un modèle communautaire de prise en charge de l’hépatite C dans les contextes à ressources limitées ?

En Afrique sub-saharienne, les données de surveillance du virus de l’hépatite C (VHC) sont limitées, notamment dans les zones rurales. Cependant, selon les estimations, 20% des infections chroniques mondiales se concentrent dans cette région. Le Rwanda, avec une population de 11,3 millions de personnes, affiche des taux de prévalence du VHC de 3,1% à 4,1%, et de 4,9% à 5,7% chez les personnes vivant avec le VIH. Les possibilités de traitement se sont développées et les antiviraux à action directe (AAD) ont été ajoutés aux recommandations nationales relatives au traitement. En 2015, les patients ont été traités pour la première fois avec du sofosbuvir et de la ribavirin. Le sofosbuvir/ledipasvir et le sofosbuvir/daclatasvir font maintenant partie des options thérapeutiques. Une évolution vers les traitements pangénotypiques comme traitement de deuxième intention est en cours. Pourtant, l’identification et le diagnostic des 55 000 personnes estimées vivre avec l’infection reste un défi.

Afin de développer une meilleure prise en charge de l’hépatite C dans des contextes à ressources limitées, un partenariat a été établi entre l’Hôpital Militaire, l’Université du Rwanda, le Centre Biomédical Rwandais, l’Université de Stanford, le Brigham and Women’s Hospital et Partners in Health, visant à identifier et à traiter 300 participants pendant deux ans. Cette étude-pilote a pour but de :

  Déterminer le niveau de sécurité et l’efficacité des AAD sur cette population,
  Définir les défis en vue d’un traitement efficace,
  Permettre de déterminer la meilleure méthode de délivrance de ces médicaments,
  Evaluer l’impact psycho-social du traitement du VHC sur cette population
.

Au Rwanda, les facteurs de risque liés au VHC sont l’âge, l’infection par le VIH, l’exposition à des équipements médicaux ou des transfusions non stérilisés, les pratiques communautaires de tatouage ou les techniques de soin traditionnelles impliquant le partage de matériel par plusieurs personnes au sein d’un même foyer, le travail du sexe ou l’incarcération. Ces facteurs de risque, bien que peu documentés à ce jour, pourraient être utiles à l’identification et au diagnostic des personnes vivant avec le VHC.

De plus, pour les populations les plus pauvres du pays, le fait d’avoir à payer le diagnostic de leur poche peut retarder le début du traitement. Depuis 2016, les tests de détection des anticorps du VHC sont disponibles dans 15 établissements et les tests de charge virale de confirmation du virus sont disponibles dans 9 hôpitaux.

La plupart des assurances privées ainsi que les assurances dédiées aux militaires et aux fonctionnaires prennent en charge les tests du VHC au Rwanda. Cependant, la majorité des Rwandais sont couverts par le régime public d’assurance maladie, qui laisse à la charge de l’assuré 10% du prix de la prestation, en plus d’une cotisation annuelle d’un dollar. Si le degré de prise en charge du dépistage du VHC par les couvertures santé n’est pas encore fixé, les patients les plus pauvres peuvent à présent bénéficier d’une prise en charge de certains actes médicaux liés au VHC. Les AAD sont devenus de plus en plus abordables grâce aux tarifs préférentiels accordés par les fabricants autorisés, revenant ainsi à 300/400 dollars par mois (ou 900-1200 dollars pour un cycle de 12 semaines de sofosbuvir et daclatasvir). Mais malgré ces baisses de prix et l’extension des régimes de couverture santé, le dépistage et le traitement demeurent hors de portée pour la majorité des patients à faibles revenus.

Face à ces défis, le ministère de la Santé met à profit les structures existantes de prise en charge du VIH afin de renforcer les programmes de VHC. Le plan de lutte contre le VHC vise également à rendre disponibles les tests de détection des anticorps dans les centres de soins et les tests de charge virale dans les hôpitaux de district. Le gouvernement détient également plusieurs partenariats public-privé avec des acteurs industriels ou universitaires, afin de consolider les capacités techniques des prestataires de soins et de s’assurer que chacun des 42 centres de santé de district est apte à prescrire des AADs. Grace à la capacité des laboratoires, le personnel formé, la chaîne d’approvisionnement des médicaments et les systèmes d’information et de suivi, le Rwanda a la capacité de décentraliser et d’accroitre la réponse au VHC, et par conséquent de permettre l’accès aux soins aux personnes vivant dans des zones reculées.

Le programme du VHC au Rwanda pourrait constituer un modèle pour d’autres pays à ressources limitées grâce au travail d’un ministère de la Santé proactif, à la mise à profit des infrastructures dédiées au VIH pour la réponse au VHC, aux partenariats public-privé permettant de financer et de soutenir le développement du programme, ainsi qu’à la prise en compte de l’approche communautaire dans la prévention, le dépistage et la prise en charge du VHC.